Le cercle des poètes disparus (extraits)

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Timidité, autorité et conformisme

Todd Anderson, un garçon timide, est envoyé dans la prestigieuse académie de Welton, réputée pour sa sévérité. Il y rencontre un professeur de poésie qui va le libérer. Le Cercle des poètes disparus est une ode à la spontanéité et l’épanouissement de la personnalité au pays du conformisme.

Dans la scène qui suit, Monsieur Keating (joué par Robin Williams) va sortir l’élève de sa coquille. Il pointe consciemment et publiquement la retenue de l’élève, mais sans aucune moquerie, épinglant sa timidité pour ce qu’elle est : une carapace qui cache une grande valeur intérieure. Il va se risquer à conduire le jeune homme hors de sa zone de confort, un peu comme on jette un bébé à l’eau pour qu’il n’ait d’autre choix que d’apprendre à nager. C’est la profonde bienveillance du professeur qui permet de transformer le traumatisme en une victoire.

Plusieurs ingrédients de cette scène sont éloquents sur le phénomène de la timidité et ses remèdes :

  1. Le regard des autres est la source du blocage. Le professeur en a conscience et pose ses mains sur les yeux de l’élève, en disant : « Oubliez les autres, ils n’existent pas! ».
  2. Second ennemi du timide : son mental. C’est pourquoi le professeur chahute l’élève, l’empêche de trop réfléchir, l’oblige à maintenir une certaine vitesse. Il s’adresse à son ventre, pas à sa tête. Il invoque son cri sauvage.
  3. Troisième caractéristique du timide : la paralysie. Pour la contrer, Monsieur Keating fait tournoyer l’élève sur l’estrade, comme une manivelle qui réamorce un cerveau tétanisé. Le corps et le mental sont inséparables. Un corps figé ne peut libérer la parole.
  4. Alors l’élève se lâche en métaphores, sous les applaudissements de la classe. Et là encore, devant cette gratification, le professeur imprime sa bienveillance. « N’oubliez jamais cela! », glisse-t-il à l’élève. Tant il est vrai que les timides ont l’art de focaliser sur leurs déboires, mais qu’ils gagnent à souligner leurs réussites. La bienveillance conduit à l’autobienveillance.

La cause de la timidité de Todd est identifiée dans le film : il est le frère d’un brillant élève, qui a fait les honneurs du collège et de sa famille. La pression est énorme pour qu’il fasse « aussi bien ». Timidité de performance, donc, mais aussi timidité par carence affective, car ses parents ne lui attribuent une valeur qu’à travers ses résultats scolaires. Il ne se sent pas aimé pour ce qu’il est.

C’est également le cas de Neil, qui rêve de faire du théâtre, et en possède le don. Mais son père, dans la scène qui va suivre, se montre intransigeant. Pas question de s’amuser sur les planches, son fils étudiera la médecine malgré lui.

Sur le plan psychologique, le père de Neil utilise une arme redoutable : le sacrifice. « J’ai fait d’immenses sacrifices pour t’inscrire ici », sermonne-t-il, « je ne veux pas que tu me déçoives ». Le père projette sa réussite sur son fils. Ce qui place le fils dans une posture inconfortable, car s’il désobéit, non seulement il se confronte à l’autorité paternelle et s’expose à la colère ou à la sanction, mais il prend aussi le risque de décevoir son père, de culpabiliser par manque de gratitude, voire de perdre l’amour et l’admiration de son père.

Le mécanisme du sacrifice est très pervers et touche de nombreuses familles. Le père se défait, en réalité, de sa propre frustration ou de sa propre ambition. Ce faisant, il conduit son fils à se détourner de sa nature profonde.

Bien sûr, le film traite d’une époque révolue, particulièrement autoritaire, mais le sacrifice court encore les familles de manière insidieuse. Désirez-vous faire telles études, pratiquer tel sport, habiter à l’étranger ou vous marier avec un compagnon qui ne colle pas aux attentes familiales ? Il est coûteux de décevoir son parent, mais le scénario inverse pourrait bien vous détourner de vous-même et vous conduire à la frustration. C’est ainsi que le sacrifice est un poison qui se transmet de génération en génération.

D’ailleurs, il n’y a pas que les parents qui poussent à se conformer, toute la société y invite. Dans la scène suivante, Monsieur Keating démontre à ses élèves de manière vivante comme la société amène les individus, malgré eux, à marcher au pas.

Tout ceci n’a rien à voir avec la timidité, me direz-vous ? Bien sûr que si ! Car le conformisme peut vous détourner de votre nature profonde, sauvage et unique. Et ce décalage entre le moi social et le moi intérieur peut être source de timidité.

Ayant peur des autres, le timide aura tendance à plonger dans le conformisme, qui le fera passer inaperçu. Ce faisant, la timidité risque de ressurgir de manière incontrôlée, et en être d’autant plus incompréhensible et enrageante pour la personne. Votre nature sauvage (j’utilise le terme « sauvage » au sens noble, au sens de l’authenticité) est comme une marmite qui bouillonne de vie. Si vous y mettez le couvercle du conformisme, celui-ci se soulèvera par moment. C’est l’ébullition incontrôlée et douloureuse du timide.

Sauvage ne veut cependant pas dire effronté. C’est ce que la scène suivante enseigne. Knox Overstreet, un étudiant davantage confiant, organise un canular devant tout le collège, dans l’espoir de se faire renvoyer. Il pense obtenir la complicité de Monsieur Keating, mais il en va autrement. Le professeur lui rappelle la nuance entre liberté et impertinence.

Cette mise au point est importante pour le timide, qui autrement pourrait être tenté de passer de la retenue à l’extravagance. Certains font les pitres, d’autres deviennent cavaliers ou arrogants. Pas facile de déplacer le curseur et de quitter sa timidité en douceur.

La dernière scène du film, je vous le concède, fait chaque fois pleurer l’émotif que je suis. Les élèves se mettent debout sur les tables, un à un, pour protester contre le licenciement de Monsieur Keating, et lui faire un digne hommage. Todd Anderson est le premier à se surpasser.

Scène très émouvante, car ici, il ne s’agit plus d’effronterie gratuite, mais d’une prise de position courageuse par rapport à ce que les élèves considèrent comme une profonde injustice. Affirmation de soi face à un préfet, professeur-remplaçant, qui monte la voix sans parvenir à se faire entendre.

Scène finale du film "Le cercle des poètes disparus"

Monsieur Keating n’a pas besoin de s’enorgueillir de son immense réussite. Il sourit et dit simplement : « Merci, Messieurs, merci ».

 

Le cercle des poètes disparus

Date : 1989
Durée : 128 minutes
Réalisateur : Peter Weir
Acteurs principaux : Robin William, Ethan Hawke, Robert Sean Leonard

Disponible sur Amazon

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