Dans cet article :
- Qu’est-ce que la procrastination ?
- Timides, pourquoi procrastinez-vous ?
- Comment en sortir ?
Qu’est-ce que la procrastination ?
Demain je me mets à l’anglais ! Je commencerai aussi à lire tous ces classiques de la littérature que je ne connais toujours pas… ah et je dois aussi m’occuper de cette histoire de mutuelle. Demain, demain, le jour de tous les possibles, la journée où tout va changer, la journée où je vais m’y mettre : la journée qui n’existe pas.
Et oui, la procrastination semble bien être le problème numéro un aujourd’hui, un mal qui touche 20% des Américains de manière chronique, c’est-à-dire plus que les dépressifs et les phobiques, selon une étude du Docteur Ferrari. Difficile de faire des choix et d’agir dans une société d’abondance !
Il semble que la timidité soit un des traits de caractère principaux qu’on retrouve chez les procrastinateurs : dotés d’une identité fragile et très sensibles à la question de l’estime sociale, ils ont par-dessus tout peur de rater.
Les « éviteurs » comme les appelle le Docteur Ferrari « peuvent tenter d’éviter la peur de l’échec ou même la peur du succès, mais dans les deux cas, sont très préoccupés par ce que les autres pensent d’eux ; ils préféreront toujours que les autres pensent qu’ils ont manqué de persévérance que de capacités ».
Timides, pourquoi procrastinez-vous ?
Jusqu’ici, il n’a pas été prouvé que ce trouble se trouve dans les gènes : vous n’êtes donc pas un procrastinateur né ! La question du choix tient une grande importance dans cette tendance à la procrastination. Le style d’éducation façonne de manière significative la timidité chez l’enfant. Une éducation autoritaire ne laissera pas la place à l’enfant pour développer sa capacité à se réguler lui même, à internaliser ses intentions et à agir pour atteindre ses buts. Le contrôle extrême du parent empêche le développement et l’expression du désir de l’enfant. Une fois face à lui même, il se retrouve perdu. Il peine à savoir ce qu’il veut, quelles sont ses priorités et comment y arriver.
« Les arts graphiques, ce n’est pas un vrai métier. Tu peux le faire pour le plaisir. Pourquoi n’étudies-tu pas la médecine ? »
Deuxième élément fondamental de l’éducation : la honte. L’enfant apprend de ses parents, la peur d’une évaluation négative d’autrui, mais aussi l’évitement social. Le développement d’une hypersensibilité au regard de l’autre peut rapidement se développer par mimétisme ou par une éducation très exigeante. La honte joue beaucoup dans la procrastination dans la mesure où elle coupe la personne de son propre désir, mais aussi de la force de travail, la puissance qu’elle pourrait développer pour un projet qui lui importe.
« Excusez-le, il est timide. Il ne sait pas bien s’exprimer devant les personnes étrangères à la famille. »
Comment sortir de la procrastination ?
A chacun son rythme. « Dire à quelqu’un qui procrastine d’acheter un planificateur hebdomadaire c’est comme demander à un dépressif chronique de retrouver immédiatement le sourire », explique le Docteur Ferrari.
1. Avancer progressivement
Avancez à petits pas, qui vous apporteront satisfaction et confiance. Rome ne s’est pas faite en un jour, vous non plus.
- Premièrement demandez-vous sur quoi vous procrastinez : les tâches administratives ou les cours de danse que vous rêvez de prendre depuis des années ? Il faut savoir définir vos envies et leur donner un ordre de priorité. « Gérer son temps, c’est y intégrer tout ce qui est enviable pour nous : repas, choses futiles, mais aussi les projets les plus chers, nos châteaux intérieurs ! », rappelle Jean-François Dortier, chroniqueur dans Sciences Humaines.
- Fixez-vous un but précis : je veux être capable de faire un concert de guitare en public.
- Prévoyez un délai réaliste : je me donne 6 mois pour maîtriser les accords de base.
- Découpez le projet en tâches intermédiaires : je vais jouer d’abord devant mon frère, puis devant mes amis, puis à la fête de l’école.
- Affectez un budget-temps à chaque action : je vais consacrer deux heures par semaine au répertoire classique et une heure à la chanson française. Ce qui vous paraît une montagne doit être découpé clairement en petites étapes réalisables. Et surtout rappelez-vous la loi de Hofstader : « ça prend toujours plus de temps que prévu, même avec la loi de Hofstader » !
2. Donner moins d’importance au regard des autres
Je ne travaille pas, ne danse pas et n’écris pas pour les autres. Si je crois en ce que je fais et que c’est bon pour moi, il faut le faire jusqu’au bout, peu importe l’opinion de mon voisin.
Concentrez-vous sur… VOUS ! Le but est d’être en accord avec vous-même, et pas avec le reste du monde (ce qui est absolument impossible et serait bien triste).
3. Être moins perfectionniste
Utile dans certains cas, le perfectionnisme peut aussi s’avérer nocif. Voilà une belle « excuse » pour remettre à demain ce que vous pouvez faire aujourd’hui. « Je ne suis pas dans un bon état d’esprit, les conditions de travail sont mauvaises, je suis sûr que mon livre n’est pas assez abouti pour que je le présente aux éditeurs »… autant de pensées qui vous garantissent de faire du sur place.
Soyez honnêtes et sachez faire la part des choses entre un perfectionnisme qui permet de faire les choses bien et celui qui vous fait stagner et vous donne un sentiment de frustration perpétuelle. Il faut passer à l’action !
Timides, vous n’êtes pas les seuls à procrastiner
Qu’on se rassure il y a mille autres raisons de procrastiner que la timidité. Les doux rêveurs sont en bataille perpétuelle contre eux-mêmes pour ne pas se laisser distraire. Les optimistes sont incapables d’évaluer correctement leur temps. Les épicuriens veulent « jouir sans entraves » quitte à se retrouver en difficulté concernant leurs obligations et certains ont tendance à beaucoup compter sur les autres.
Alors, vous faites quoi après-demain ?
Pour aller plus loin :
- Ted Talks : Why we procrastinate ? (Sous-titres disponibles en français)
- L’art de procrastiner intelligemment, J-F. Dortier dans Sciences Humaines
- L’art de piloter sa vie, J-F. Dortier dans Sciences Humaines
Bonjour,
Merci pour votre réponse. Je me doutais que vous feriez ainsi ; la fin de mon commentaire était bien évidemment une boutade.
Une précision sur mon message : je l’ai posté car trouve ce genre de chose particulièrement importante, tant les concepts critiques ou qui aident vraiment à comprendre sont souvent – volontairement parfois, non volontairement comme ici – détournés pour être utilisés ou « remis » à l’avantage des manières dominantes d’être ou de voir le monde.
Très bonne continuation à vous 🙂
Lionel
Répondre
@ Lionel : Votre démarche est tout à fait constructive et j’en comprends parfaitement la justesse.
Répondre
@Lionel : Bonjour, suite à votre commentaire dont nous vous remercions, étant donné qu’il ne s’agit pas du tout du coeur du propos de cet article, nous avons par précaution enlevé cette allusion à Foucault et au concept de « gouvernement de soi ». Notre objectif est ici d’être concret, et non philosophique.
Répondre
Bonjour,
Pour faire vite : vous n’avez pas compris les développements de Foucault sur le gouvernement de soi. Pour lui, ce n’est pas quelque-chose d’enviable, puisqu’il s’agit d’un excès de contrôle sur et même de soi. En outre, il nous est imposé par la société (et n’est donc pas quelque-chose à rechercher individuellement) et d’une manière d’autant plus pernicieuse puisque depuis quelques décennies en particulier la société nous l’impose (d’une façon qui nous fait penser en plus qu’il vient de nous et qu’il est bon pour nous). Rien à voir donc, non, avec « l’art de vivre ».
En espérant vous avoir été utile.
Je suis maintenant curieux de voir si vous allez remettre à demain vos lectures de Foucault 🙂
Très bien à vous,
Lionel
Répondre